Récits Compostelle - Étape 8 - Torres Del Rio - Logroño (21 km )

La page centrale de mon carnet, dans laquelle je racontais le départ de Torres s'est détachée. Conclusion, le récit de cette étape est écourté car j'en ai perdu le début…. Je me souviens juste que j'ai raté les flèches une fois , et j'ai dû faire marche arrière sur quelques centaines de mètres. Le parcours en lui-même ne m'a pas marqué plus que ça… Bien que nous soyons parti 4 ou 5 en même temps du refuge, je ferais cette étape entièrement seul. Il commence à faire chaud. Je sais, je me répète, mais les jours se suivent et se ressemblent. Un bonheur ! un ciel bleu sans aucun nuage. Je commence à accélérer un peu sans pour cela trop forcer. Je vois au loin une ville. C'est "déjà" Logroño.

Arrivée à Logroño
Arrivée à Logroño

Il est 10h45, mais je n'arriverai au refuge qu'à 11h30. Logroño est une grande ville et le chemin la contourne un peu par l'Est. Arrivé en haut d'une côte j'aperçois la ville tout prêt. Alors que j'attaque une douce descente, je ressens une vive douleur, genre brûlure, à la cuisse gauche, du côté de l'aine. Je ralentis brusquement le pas. Ça pique…Ce genre de douleur, en principe, c'est une déchirure…ou quelque chose qui s'en rapproche. J'ai mal. Foutu, c'est foutu… Je ne vais pas pouvoir faire les 600 km qui restent avec ça. On est jamais sûr de rien sur le Camino.
A cet instant, j'éprouve la peine de celui qui, blessé, doit abandonner son rêve. Je pense aux sportifs des jeux Olympiques par exemple, qui pour les mêmes raisons, voient les efforts de plusieurs années s'envoler en quelques secondes.
je ne l'ai pas écrit, mais je crois bien que j'ai dû verser quelques larmes à ce moment là … Je fais de petits pas... Il me tarde d'arriver au refuge pour faire un bilan "tactile et visuel". Je passe devant la fameuse maison de Mme xxx qui m'interpelle (elle est très connue sur le chemin pour son hospitalité et j'avais prévue de m'y arrêter): Peregrinos! sellar el credential ? (un tampon sur ton credential ?) no, no, gracias… Elle sera certainement vexée. En plus c'est une halte "historique" où l'on peut se désaltérer et discuter un peu. Elle pense certainement que je ne suis qu'un imbécile qui se précipite vers l'auberge qui de toute façon est fermée à cette heure. Moi, je ne pense qu'à une chose, m'arrêter. J'ai le moral au quatrième sous-sol. Je passe le pont de Logroño plus ou moins en clopinant, comme si j'avais mal au pied, alors que la douleur est en haut de la cuisse. Je capte même le regard de la passagère d'une voiture qui doit penser que j'ai des ampoules… voici enfin la porte de l'auberge.

Arrivée à Logroño
Le pont à l'entrée de Logroño
Ça sera MA leçon du jour…il y a tant à méditer sur cette histoire…. J'y ai souvent pensé en marchant. Sur le Chemin, on apprend sans arrêt. Il suffit le soir, une fois "reposé", de se demander : "…alors, qu'ai-je appris aujourd'hui?…" Il y a souvent matière à philosopher…Ainsi, on progresse spirituellement, et/ ou l'on se rapproche de Dieu si l'on y croit.

Trois pèlerins sont déjà assis le long du mur. Je largue tout (je veux dire le sac à dos). Discrètement, je défais la ceinture "banane". Je passe la main dans mon pantalon et tire vers le haut et vers le bas mon short "cycliste". Il s'était un peu mis en accordéon. Je tâte ici et là, j'appuie, rien. La douleur a disparu comme elle était venue ! ( je pense qu'elle était provoquée tout simplement par les stries formées par mon short cycliste au niveau de l'aine)

Pèlerins devant l'auberge de Logroño
Auberge de Logroño

Les pèlerins arrivent les uns après les autres et la file s'allonge le long du mur. Je revois l'italien que j'appelle "Forza Italia", celui dont la voix porte à 100 mètres et qui m'avait un peu irrité à Cizur. (L'après-midi, lors de la lessive, je finirai par lui demander son prénom. En fait il se nomme Hermano. Je sais, bizarre pour un Italien d'avoir un prénom qui signifie frère en Espagnol. Mais il y a très longtemps, l'Espagne a occupé l'Italie, donc ça peut s'expliquer) - Finalement, il est bien sympathique, et le fait qu'il sache quelques mots de Français ne doit pas être étranger à mon sentiment…

En attendant l'ouverture du refuge, je parle avec une Espagnole. Elle me dit qu'elle est Catalane. Je ne peux alors m'empêcher de lui dire que moi aussi, mais du côté Français. Je commence dans un Espagnol plus qu'approximatif à lui raconter mon histoire, enfin, celle de mon père, qui lui est d'origine Espagnole. Elle me dit que je dois revenir en Espagne parce que mes racines sont ici. En tout cas elle est patiente car il y une grande différence entre se débrouiller en espagnol (…comer, comprar, si, no,platanos, pan..) et tenir une conversation "philosophique". La porte du refuge s'ouvre. Il est pile 13 heures.

Dans la file indienne qui se forme à l'intérieur pour faire tamponner son credential et choisir son lit, j'ai le temps de lire une annonce sur la porte vitrée. Lunès, miercolès, jueves y viernes, il y a une visite guidée gratuite de la ville. Je regarde ma montre car je ne sais plus quel jour nous sommes…je vois TH. Monday, Tuesday, on est donc mardi, dommage…. (et non..TH ça voulait dire Thursday , jeudi...)- J'ai quand même un doute. Je reprends la credential pour essayer de compter le nombre de tampons. Sachant que je suis parti jeudi 26 mai…nous devons être le… Le problème, c'est que sur le Camino, on met parfois des cachets pour un oui ou pour un non, et qu'ils ne correspondent pas forcément à un étape. (j'ai donc plus de tampons que d'arrêts réels).

Est-ce la fatigue? je ne m'en sort pas…je décide d'interpeller l'hospitalero : "…somos…" - il m'interrompt immédiatement par un "..no no...estamos !", has, si, ….estamos martes ? il se met à rire, et sa collègue aussi. Es.. ta.. mos. Jue..ves! Et de rajouter …ha, El Camino, que bueno xxx xxxx bzzzbzzz… - je comprend qu'ils parlent du dépaysement que le Camino exerce sur les êtres, et que c'est une bénédiction de déconnecter à ce point. Tout à l'heure, alors que je revenais de la lessive, ils en ont rajouté une couche… "ha! ha ! ha!… martès hé ? ha..ha…ha…" - ils sont très sympas..

Je pars pour faire quelque courses. Enfin, voici un VRAI supermarché ! à l'enseigne Champion ! grisé par les lieux, j'en ai pris pour au moins deux kilos. Je vais moins rigoler demain sur le Camino… 18 h00 la visite commentée est géniale, est la jeune guide vraiment sympa. Ça dure un peu plus que prévu. Il est 19h40. Direction La Poste (qui ferme à 20h30,génial…). J'ai en effet décidé de me séparer de la tente. BackHome…et 1kg5 en moins ! Tous les jours sur les épaules depuis une semaine pour seulement 2 utilisations et d'autres certainement improbables, ça fait réfléchir !
En revenant de la poste, je traverse des rues commerçantes, très chics…des terrasses de cafés, des zones piétonnes, et une foule sur son trente et un…j'ai l'impression que pas mal de gens me regardent. Il faut dire qu'avec mon teint bronzé, mes cheveux mi-longs qui dépassent de mon chapeau, ma ceinture et les deux gourdes qui pendent à gauche et à droite, j'ai un look quelque peu décalé, disons...pour me valoriser un peu....à la Indiana Jones….(et pour eux certainement un marginal... Ha non, c'est vrai, nou sommes en Espagne ! donc ils me prennent pour un pèlerin, tout simplement)

Il faut quand même que je me dépêche car ici , tout le monde commence à dormir à 21h ou 21h 30 et il est déjà 20h30. Un plat de……pâtes (bravo, vous avez gagné…), yaourt, le tout arrosé d'un verre de rouge de la région. Direction le lit… Il fait chaud dans le dortoir. C'est la première fois que cela arrive. D'habitude, les soirées sont fraîches, et le duvet est le bienvenu. Nuit paisible. Je me réveille naturellement à 3 heures. Je sais que l'étape d'aujourd'hui fera 33 km. Je n'ai pas envie de "courir", et j'ai prévu de faire beaucoup de pauses. Je n'ai jamais fait une telle distance…..


etape suivante

Vidéo la marche aux étoiles

Avec l'aimable autorisation de Yvon Boëlle.

Présentation de l'exposition "Compostelle, la marche aux étoiles" réalisée par l'Académie de Musique et d'Arts Sacrés de Sainte-Anne d'Auray et le photographe Yvon Boëlle sur ses 15 années de reportage sur les chemins de Compostelle de France et d'Espagne.

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